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microscopie en champ proche

La microscopie en champ proche ou à sonde locale (SPM pour Scanning Probe Microscopy) est un ensemble de techniques de caractérisation de surface. Au tournant des années 2000, on en dénombre plus d’une quarantaine de types. Leur principe générique est d’approcher, à quelques nanomètres de la surface d’un échantillon, une pointe dont la position, pendant le balayage, est asservie par un dispositif de rétroaction en fonction du signal choisi. C’est la mesure des variations de positionnement de la pointe qui permet d’extraire les caractéristiques de l’échantillon, relativement au choix d’un type d’interaction (courant ou force, par exemple). Par contraste avec les techniques optiques, électroniques, et spectroscopiques (qui seront dites « en champ lointain » après l’essor de la microscopie en champ proche), les interactions sonde/échantillon dont les techniques de SPM tirent parti sont des effets de surface non diffusifs (ou à diffusion évanescente) et non des rayonnements permettant de mesurer à distance une caractéristique de l’échantillon.

Le microscope à effet tunnel (STM) est le premier SPM à avoir été inventé (par Heinrich Rohrer, Gerd Binnig, Christoph Gerber et Eddie Weibel au laboratoire d’IBM à Rüschlikon-Zürich - 1981). Son principe métrologique souche est la mesure de l’interaction entre la pointe et le champ proche électronique qui se forme par effet tunnel à la surface d’un matériau conducteur, avec lequel le STM forme un circuit électrique, dont la pointe et la surface sont les deux électrodes. En mode « courant constant », la mesure des variations de distance pointe/échantillon relevées ligne par ligne en fonction d’une intensité de courant fixée par l’expérimentateur (« courant de consigne ») permet de fabriquer une image de la topographie d’une surface par collage (analogique au début, puis numérique) des multiples lignes de balayage. Inversement, en mode « hauteur constante », la mesure des variations d’intensité en fonction d’une distance pointe-échantillon tenue fixe permet d’extraire des caractéristiques de densité des états électroniques d’une surface, caractéristiques non plus topologiques mais spectroscopiques, pouvant renseigner sur la composition chimique, les propriétés de conduction ou le degré d’oxydation de zones localisées de la surface d’un matériau. On parle alors de STS (pour Scanning Tunneling Spectroscopy). Le mode « hauteur constante » permet aussi de relever des caractéristiques électroniques des interactions entre la pointe et un élément local de l’échantillon (une molécule adsorbée, par exemple). Il existe aujourd’hui de nombreuses déclinaisons instrumentales du STM. Chacune d’elle consiste en un mode d’utilisation spécifique du même principe souche dans différents milieux : STM en ultravide, STM en solution liquide, STM électrochimique, STM optique (ce dernier permet de reproduire analogiquement la topologie d’une surface atomique en la gravant sur des cristaux piézo-électriques à large surface, eux-mêmes observés au microscope optique). Des STM avec plusieurs pointes surmontées d’un microscope électronique ont également été développés par le fabriquant O’micron. Plus tard, le STM sera utilisé non seulement comme un instrument de caractérisation mais comme un outil de manipulation d’atomes ou de molécules sur des surfaces. Le STM permettra alors de réaliser des structures rudimentaires « atome par atome », voire de produire des réactions chimiques en amenant individuellement des atomes et des molécules à réagir ensemble. Lié au départ majoritairement à la science des surfaces, il deviendra une figure de proue et un instrument fétiche des nanotechnologies.

Le microscope à force atomique (AFM pour Atomic Force Microscopy) est le deuxième type de SPM à avoir été inventé (par Gerd Binnig, Calvin Quate et Christoph Gerber en 1986 à Stanford en Californie). C’est donc avec l’AFM que la microscopie en champ proche deviendra une classe d’instruments à part entière. La pointe de l’AFM est montée sur un microlevier léger et flexible (généralement en silicium) pouvant être porté à une fréquence de vibration déterminée afin de détecter des forces faibles de l’ordre du nanonewton (forces interatomiques, forces d’attraction de van der Waals et forces de répulsion stérique). On mesure les modulations des vibrations du levier (déflection de la pointe et/ou variation de fréquence de vibration) lorsqu’elles sont affectées par les forces s’exerçant entre lui et l’échantillon. À la différence du STM, l’AFM permet de caractériser des surfaces non conductrices. De moindre résolution que son prédécesseur, il n’image que très imparfaitement des atomes individuels ; son intérêt est plutôt d’obtenir des images « de force » des surfaces, et non forcément des images topographiques. Il est particulièrement approprié à la caractérisation de matériaux isolants (polymères, céramiques, biomatériaux) et à l’analyse d’échantillons en milieu aqueux (capital en biologie). Aujourd’hui, il est plus commun que le STM dans l’équipement des laboratoires (notamment en biologie). L’AFM fonctionne selon trois grands régimes : le « mode contact » utilise les forces de répulsion stérique à de faibles distances pointe/surface. Le « mode contact » permet aussi d’utiliser l’AFM comme un râteau permettant de déplacer de longues molécules comme des polymères (dont l’ADN) ou des nanotubes. Le mode « contact intermittent » ou « tapping-mode » (le plus utilisé) mesure les variations de la fréquence de résonance du levier (celui-ci oscille comme l’aiguille d’une machine à coudre). Le mode « non-contact » tire parti des forces d’attraction, généralement en ultravide, car ce mode présente un faible rapport signal/bruit. Ces trois régimes autorisent des combinaisons multiples.

Le microscope à force magnétique (MFM) est une déclinaison de l’AFM dans laquelle le levier est un matériau magnétique. Il est utilisé principalement pour la caractérisation des propriétés magnétiques de la surface d’un matériau, avec des capacités de détection et de visualisation de domaines magnétiques avec une résolution inférieure à 20 nm. Il permet notamment l’étude de phénomènes magnétiques coopératifs tels que ceux qui interviennent dans les matériaux de stockage de l’information des disques durs.

Le microscope optique en champ proche (SNOM pour Scanning Near-Field Optical Microscope) détecte un rayonnement optique avant sa diffraction par une fibre optique taillée en fine pointe. L’échantillon peut être analysé en réflexion (la lumière est recueillie après avoir été reflétée par l’échantillon) ou en transmission (à travers un échantillon fin). La surface cartographiée est limitée par un trou plus petit que la longueur d’onde de la lumière. Le SNOM permet aussi de travailler en fluorescence.

La microscopie en champ proche relève ainsi d’une approche bien différente de celles des microscopies ou spectroscopies dites « en champ lointain » : il ne s’agit plus de recueillir à distance la trace d’un rayonnement absorbé ou transmis par l’échantillon, mais d’aller chercher l’information à sa surface. Les avantages de ces techniques sont multiples : elles permettent, comme la microscopie électronique, de caractériser un matériau à une résolution inférieure à la limite de diffraction de la lumière visible ; elles sont mieux adaptées à l’étude des propriétés de surface que la microcopie électronique, mais moins à celle des propriétés en volume des matériaux ; elles permettent, en particulier avec l’AFM pour les biomatériaux, une approche non destructive que la microscopie électronique n’autorise pas (en microscopie électronique, un échantillon biologique doit être déshydraté pour pouvoir être imagé, sous vide, en manipulant des champs magnétiques et électriques extrêmement puissants qui peuvent le détériorer si l’opérateur manque de délicatesse ou de connaissances précises concernant les paramètres physiques qui doivent être pris en compte). Un AFM standard est un instrument léger et relativement facile à manier. Les échantillons pouvant y être caractérisés ne nécessitent pas forcément une longue préparation – ce qui n’est pas le cas, cependant, du STM. En terme de prix, la microscopie en champ proche est plus abordable que la microscopie électronique, ce qui a contribué à faciliter son adoption.

Par Sacha Loeve, avril 2011.

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