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science des surfaces

La science des surfaces est un vaste champ multidisciplinaire issu de la science des matériaux et dédié à l’étude des phénomènes physiques et chimiques des surfaces. Considéré dans toute son extension, le terme de « surface » peut désigner toutes les interfaces entre deux phases : solide-vide, solide-liquide, solide-gaz, liquide-gaz. La science des surfaces comprend donc des domaines aussi divers que la catalyse hétérogène, les matériaux semi-conducteurs et leurs techniques de caractérisation, les polymères, la matière molle, les adhésifs, les phénomènes d’adsorption, les piles à combustible, les monocouches auto-assemblées et l’épitaxie. Elle est étroitement associée à des domaines connexes tels que l’électrochimie ou la science des colloïdes.

La science des surfaces s’est institutionnalisée à la fin des années 1960. Le National Bureau of Standards des États-Unis, Bell Labs d’AT&T, et les laboratoires de recherche fondamentale d’IBM ont fortement contribué à sa montée en puissance. Lors de son apogée, dans les années 1970-1980, ce champ de recherche était dans une situation analogue aux nanosciences et aux nanotechnologies dans les années 2000 : abondamment financé, extrêmement divers, inclusif, et mal défini.

Néanmoins, la science des surfaces se caractérise par des concepts clés parmi lesquels on compte :

 La « reconstruction ». Ce concept désigne, d’une part, la structure et les propriétés électroniques des atomes de surface d’un matériau en tant qu’elles diffèrent de la structure et des propriétés des atomes du volume (« bulk structure »). En effet, à la surface d’un cristal, les atomes ne s’arrangent pas de la même manière que lorsqu’ils sont assemblés en volume, et la structure de cet arrangement de surface ou « reconstruction » n’est pas strictement déductible de celle de l’arrangement en volume. Cet aspect justifie dans une certaine mesure le partage, dans la physique du solide, entre ce qui a été appelé « physique de la matière condensée », d’un côté, et ce qui est devenu la physique des surfaces, de l’autre. D’autre part, la « reconstruction » désigne le processus de stabilisation des surfaces lui-même : lorsque la structure d’une surface se stabilise dans des conditions de pression et de température déterminées, les atomes de surface se réarrangent en adoptant une « structure de reconstruction » déterminée. Cette structure n’est pas naturellement stable. Pour la stabiliser, on utilise généralement l’ultravide (UHV pour Ultra-High Vacuum) et les basses températures. Enfin, le terme de « reconstruction » indique la nécessité d’élaborer des modèles spécifiques d’organisation des atomes d’une surface selon le plan de la coupe effectuée dans la structure du cristal, modèle qu’il va falloir tester pour caractériser la surface. Le concept de « reconstruction » renvoie donc à l’idée d’une pratique instrumentale médiée par des modèles théoriques.
 La « courbure de bande » (band bending) : les conducteurs et semi-conducteurs exhibent aussi des phénomènes de surface qui affectent ce qui a été appelé, en physique du solide, la « structure de bande », décrite par la théorie des bandes. La structure de bande est une modélisation des valeurs d’énergie que peuvent prendre les électrons d’un solide à l’intérieur de celui-ci en fonction du niveau dit « de Fermi » (niveau d’énergie du plus haut niveau occupé par les électrons). De façon générale, ces électrons n’ont la possibilité de prendre que des valeurs d’énergie comprises dans certains intervalles, séparés par des « bandes interdites ». Cette modélisation conditionne la possibilité de traiter de l’information dans un matériau semi-conducteur tel que le silicium, par exemple ; dans un semi-conducteur, le niveau de Fermi est situé dans une bande interdite (ou « gap »), entre une bande de conduction (remplie d’électrons) et une bande de valence (qui peut être vide ou partiellement remplie d’électrons). Or, en surface (ou dans une interface, à une jonction), la densité de charge est répartie différemment (phénomènes de champ proche). Lorsqu’une tension est appliquée en un point précis de la surface, le diagramme de bande esquisse alors une courbe, et on parle alors de « courbure de bande ».

Outre les techniques d’instrumentation largement utilisées dans d’autres champs, telles que la diffraction des rayons X ou la microscopie électronique à balayage (SEM pour Scanning Electron Microscopy), la science des surfaces fait appel de manière privilégiée à des techniques telles que :
 la diffraction des électrons lents (LEED pour Low-Energy Electron Diffraction) ;
 la spectroscopie électronique des pertes d’énergie (EELS pour Electron Energy Loss Spectroscopy) ;
 la spectroscopie électronique Auger ;
 la spectroscopie de masse des ions secondaires (SIMS pour Secondary Ion Mass Spectroscopy).

Après l’évènement qu’a constitué la caractérisation de la surface du silicium (111)-7x7 au STM par Binnig et Rohrer en 1983, l’adoption, dans les années 1980, des techniques de microscopie en champ proche a profondément remodelé le paysage des disciplines associées à la science des surfaces. Dans les années 1990, le déclin des laboratoires de recherche fondamentale d’AT&T et d’IBM a accéléré la reconversion des champs de recherche de la science des surfaces vers le champ, tout aussi multiforme et mal défini, des nanosciences et des nanotechnologies.

Par Sacha Loeve, avril 2011.

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