Sciences : histoire orale
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BARBOUX Philippe, 2000-12-12

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Philippe Barboux est professeur au Laboratoire de physique de la matière condensée, à l’Ecole Polytechnique – Palaiseau (France).

Pour citer l’entretien :

« Entretien avec Philippe Barboux », par Bernadette Bensaude-Vincent, 12 décembre 2000, Sciences : histoire orale, https://sho.spip.espci.fr/spip.php?article46.

Entretien avec Philippe Barboux, par Bernadette Bensaude-Vincent, 12 décembre 2000

Lieu : Laboratoire de physique de la matière condensée, Ecole Polytechnique- Palaiseau, France.

Support : enregistrement sur cassette.

Transcription : Bernadette Bensaude-Vincent.

Edition en ligne : Sophie Jourdin.


PHILIPPE BARBOUX (PB) : J’ai fait une thèse chez Collongues après avoir commencé la biologie à Polytechnique. A l’époque, en 1981, Bernard Sapoval voulait un rapprochement avec la chimie du solide, aussi m’a-t-il envoyé voir Collongues. C’était un personnage enthousiasmant. Je me rappelle cette visite dans son bureau à l’Ecole de chimie, en plein mois de mai avec deux arbres en fleurs derrière la fenêtre. Après une heure et demie de baratin sur les batteries, il m’avait convaincu, je me suis inscrit en thèse sous sa direction.
Il m’avait mis sur les gels conducteurs ioniques, dans le groupe de Livage. On y faisait la découverte de propriétés curieuses, amusantes. On étudiait la mobilité protonique à température ambiante dans l’eau.

BERNADETTE BENSAUDE-VINCENT (BBV) : Y-avait-il un enjeu industriel ?

PB : A l’époque, ils n’avaient pas – et moi non plus – réalisé tout le potentiel industriel. C’était novateur de chercher les applications de ces solides. Collongues avait, lui, une notion de ces applications mais ce n’était pas primordial dans son esprit. Dans le labo Collongues, on préparait des oxydes à hautes températures. Les Américains, en revanche, vendaient des applications même s’ils faisaient le même travail que nous.
J’ai fait deux thèses : d’abord, une thèse de troisième cycle, en 1984, qui m’a permis d’entrer au CNRS. Puis, comme la thèse d’Etat avait disparu j’ai fait une thèse d’université : les deux sur la mobilité des ions dans les systèmes poreux et les matériaux cristallins.
Après la thèse, j’ai voulu travailler avec Jean-Marie Tarascon sur les batteries au lithium mais on est passé aux supra-conducteurs en 1987.

BBV : Comment en êtes-vous venu aux piles à combustibles ?

PB : Aujourd’hui, je reviens à mon sujet de thèse. Les piles à combustible, c’est un sujet enthousiasmant pour recruter des étudiants en stage ou en thèse. J’ai commencé en septembre 99. La thématique est la diffusion dans les membranes. On travaille le nafion qui rentre dans les piles à combustible. C’est un polymère qui se déforme quand on applique une tension dessus. On mesure les déplacements du nafion. On a un projet muscle artificiel avec un étudiant qui fait de la robotique.

BBV : Avez-vous des liens avec l’industrie sur ce sujet ?

PB : Nous travaillons dans le cadre du CNRS, sans contrat industriel, sauf pour les thèses d’étudiants (thèse Cifre-Saint-Gobain). On a cependant des consultations ponctuelles : par exemple H2Tech une petite entreprise locale nous demande conseil mais juste au moment d’écrire leurs rapports. L’effort pour établir un contrat européen fut un échec. Renault nous a dit prenez des brevets d’abord après on verra.

BBV : Comment expliquer l’abandon du projet pile à combustible dans les années 80 après les efforts déployés dans les années 70 ?

PB : Dans les années 70, la recherche était sous-tendue par la volonté de faire des économies d’énergie et d’argent à cause de la crise pétrolière. De plus, à cette époque l’industrie française était en tête de la technologie sodium-soufre et alumine-bêta avec CGE. Sur la pile à combustible à base de zircone, Mme Antony a travaillé à Orléans dans les années 70.
Dans les années 90 se produit une remobilisation sur le thème du stockage d’énergie aux USA par suite de plusieurs accidents : d’une part, le tremblement de terre de San Francisco a révélé la non-fiabilité de la source d’énergie de secours (les batteries au plomb dans les hôpitaux n’ont pas marché). Et surtout plusieurs accidents d’explosion avec des batteries de portables ont focalisé l’attention sur la sécurité. Moli-Energy, où travaillait Tarascon, a fait faillite par suite d’une explosion de certains de leurs téléphones. Donc la recherche sur le stockage d’énergie est orientée vers deux objectifs : fiabilité et sécurité.
Pour augmenter la sécurité des batteries au lithium il y a deux voies :

  • la voie Armand, qui consiste à utiliser un électrolyte solide à la place de l’éther. Li-PEO avec un sulfure, par exemple. On joue sur la passivation et on ralentit la formation des dendrites de lithium métallique qui sont extrêmement dangereuses. Mais on perd en puissance.
  • la voie japonaise : ne pas avoir de lithium métallique mais seulement du lithium –ion grâce à un graphite d’intercalation à l’anode : Li-C6. C’est la batterie rocking-chair. Le problème c’est qu’on augment le poids et qu’on diminue la puissance.

BBV : Envisage-t-on des piles à combustibles pour les portables ?

PB : Oui, c’est récent depuis un an et demi on travaille sur des mini-piles à combustibles. Il y a des brevets américains sur des catalyseurs basse température avec du méthanol comme source d’hydrogène. On peut espérer un facteur 2. Beaucoup de gens travaillent dessus actuellement. L’idée est d’avoir des feutrines imbibées de méthanol qu’on recharge comme les briquets d’antan.

BBV : Quelles sont les chances de la pile à combustible pour les véhicules électriques par comparaison avec les batteries électriques ?

PB : La batterie Lithium-ion est envisageable. Problèmes de solidité et de résistance. La batterie polymère est envisageable mais le problème est qu’il faut plus que de l’énergie, de la puissance.
Actuellement il y a des recherches sur la pile à combustible à Westinghouse (zircone, haute-température) et en France à Grenoble. Le problème avec la zircone c’est qu’elle réagit avec l’oxyde de la cathode. Les électrodes interdiffusent l’une dans l’autre, d’où vieillissement rapide.

BBV : Quelle est la situation de la recherche en conduction ionique en France ?

PB : Dans les années 90, il n’y avait plus de recherche en conducteurs ioniques en France. En fait, on était tourné vers la recherche fondamentale. On était absent de la concurrence internationale au moment où les Japonais ont occupé le terrain des batteries qui s’exportent en même temps que leurs appareils.

Fin de l’enregistrement


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